La Générale

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Cette note présente très succinctement la démarche des membres de « La Générale ». L’accent est mis sur la forme de notre investissement qui se déploie dans un lieu, traversé par un projet en actes et dans un temps donné.

1. L’investissement dans un lieu
Revenir sur la généalogie qui a présidé à l’investissement de la bâtisse située au 10-14, rue du Général Lasalle dans le 19ème arrondissement de Paris ne rendrait pas justice à la réalité d’un voyage1 partagé chaque jour par les résidents du lieu. Disons simplement que cinq « familles » décidèrent un soir de février 2005 de cesser de se plaindre des difficultés qu’elles rencontraient à créer pour saisir une chance, une occasion inespérée, un bâtiment abandonné par les pouvoirs publics et vide depuis trop longtemps. Ces cinq là s’accordèrent sur un protocole minimal :

L’investissement du lieu n’est pas une appropriation mais la construction d’un espace en débats pour le quartier et la ville, dans la Cité et avec elle.
L’accueil se fait par invitation.
Le temps et l’espace qui sépare l’idée de sa réalisation ne doivent souffrir aucun délai bureaucratique. Les décisions sont prises très vite mais sans précipitation puisque l’accord est une pré-condition à toute discussion.
La diversité est une richesse.
L’investissement se déploie en une temporalité, il suppose un terme.

Le collectif s’est très vite constitué par l’invitation et l’accueil de nouveau résidents qui à leur tour devenaient des hôtes accueillants. Bien entendu, nous nous connaissions tous de près ou de loin, et la rencontre de nos travaux et de nos actions était antérieure à notre investissement.

La remise en état de travail de la bâtisse nous a occupés pendant les premiers mois. Rafraîchir les peintures, exécuter les travaux indispensables pour stopper la dégradation d’une partie des locaux, nettoyer et aménager. Investir un lieu c’est aussi s’investir dans un lieu en l’améliorant. Mais ce travail c’est fait en même temps que la construction du collectif, en même temps que la producion artistique, dans un mouvement continuel ou le projet a été élaboré en faisant.

2. L’investissement dans un projet
Il a alors suffit de porter un regard sur ce qui avait été fait pour comprendre le projet-présent, projet en actes, développé : Un laboratoire1 qui articule l’individuel et le collectif, les différentes pratiques, l’art et le politique. Quelques phrases d’explications.

En aucun cas, à aucun moment, le collectif n’a écrasé l’individualité. Les Droits de la personne humaine sont le principal pilier qui fonde nos actions. Les rapports de subordination, propre à l’entreprise, ou éducatif, inhérents au milieu scolaire sont écartés. Et pourtant, il y a un en-commun fort, il réside sur une forme de partage des espaces, des idées et des instruments conçus comme des outils. Ici ou là, des formes collectives plus élaborées peuvent apparaître mais elles résultent d’une volonté librement consentie, comme des formes participantes. La cohérence de l’ensemble est assurée par l’échange en continu des formes, des idées et des sentiments. Elle autorise et se nourrit d’une grande diversité.

Or cet échange, figure constitutive du collectif, s’étend et se diffuse, il est contagieux. L’échange entre pratiques artistiques, des arts plastiques aux arts vivants, de la sculpture à la cuisine, d’une littérature à une performance se développe chaque jour selon les modalités les plus souples. Et parce que l’échange se déploie, il brise tout risque d’autarcie du collectif en diffusant nos travaux à l’extérieur et en accueillant les productions d’artistes éloignés. Il permet aussi au artistes renommés d’épauler de plus jeunes.

Et le politique ? C’est d’abord et avant tout ce que nous venons de décrire trop brièvement. Mais c’est aussi accepter à un moment que l’art ouvre le champ du politique2. Mais pas n’importe lequel, celui qui, à l’image de l’art, comprend que le sort du centre se décide à ses frontières, que les questions politiques, la vie dans la cité, se jouent avec les exclus, les minorités sexuelles, la précarité subie… Elle se joue avec eux mais surtout dans le rapport social qui s’instaure par le politique au sein de la cité entre ce que nous n’avons pas renoncé à considérer comme des égaux, entre vous et nous, entre toi et moi.

Invitation, accueil, partage, diversité, échange, ouverture, égaux : voilà en résumé la charte qui gouverne notre laboratoire de création.

3. L’investissement dans un temps
L’investissement dans cette bâtisse, traversée par un projet en actes, est aussi un investissement dans le temps. Un temps qui ne saurait être linéaire, qui connaît des retours en arrière et des projections dans un avenir incertain1, mais un temps qui s’éprouve par son terme et sa durée. Une temporalité qui correspond à celle d’un voyage avec au retour2 le constat que quelque chose a changé, sinon tout.

Dans ce temps là, investi lui aussi ― de cette lucidité dont René Char estime qu’elle est « la blessure la plus proche du soleil » ―, le dialogue s’est imposé comme une exigence artistique, politique et sociale. Oui, nous rendons des comptes dans un dialogue initié avec les institutions (centre d’arts, théâtres, centres chorégraphiques…), la presse, les politiques (courriers, multiples rencontres, médiation de la Ville de Paris), le quartier (participation au conseil de quartier, rencontres avec les associations de parents d’élèves, avec les associations du quartier, les voisins) et la ville. Et dans une sincérité retrouvée, parfois après de longues discussions, apparaît l’évidence : notre périple révèle un vide qu’il contribue avec et pour d’autres à habiter. Vide que nos interlocuteurs ressentaient sans réussir à l’exprimer. Alors, ce voyage, affranchit de tout déplacement, se construit dans l’urgence de faire et la vivacité du laboratoire.